Chapitre 6 Esprit troublé
Point de vue de Caden :
Je dois admettre que l’attitude et les paroles de Ryan me donnaient vraiment l’impression que la relation entre lui et Rosaline allait bien au-delà des apparences. Ça me dérangeait, et je n’arrivais pas à m’en défaire.
Je l’observai, impassible, et ajoutai :
— Juste pour que tu le saches, on est toujours fiancés, et Ryan est une célébrité. Vous feriez bien de ne pas laisser courir de rumeurs. Ce ne serait pas bon pour la réputation des Holbrook. Et puis, ce ne serait pas simple pour toi d’épouser un Lindsay. Après tout, tu as deux ans de plus que Ryan, non ?
— Ça suffit.
Rosaline me coupa net, le visage assombri.
Ah, elle avait enfin compris où je voulais en venir ? Cette femme... Comment pouvait-elle être aussi lente ?
— Ma vie sentimentale ne te regarde pas. Alors arrête de faire des commentaires à droite et à gauche, lança-t-elle sèchement.
Cette fichue femme. Ses mots me firent bouillir de l’intérieur, et je l’ignorai jusqu’à ce que nous sortions de la voiture.
Cette nuit-là, comme d’habitude, je souffris d’insomnie.
Depuis mes treize ans, après avoir été enlevé par une Meute rivale et enfermé dans une pièce sans fenêtres, privé de la lumière de la lune, je ne dormais plus correctement.
Mais ce soir-là, c’était différent. Rosaline ne cessait d’envahir mes pensées.
Elle n’avait pas nié être en couple avec Ryan — cela signifiait-il qu’elle le reconnaissait ?
Je posai la question à mon loup, Edward :
— La nuit dernière, j’ai mieux dormi que d’habitude. Et toi, comment as-tu dormi ?
Edward soupira :
— Rosaline me manque. J’ai besoin de la tenir contre moi pour m’endormir.
Quand je la serrais dans mes bras, je n’avais pas de mal à dormir.
— Est-ce qu’elle est ma compagne prédestinée ? demandai-je. Pourtant, je la déteste.
Edward marmonna :
— Une fois que tu seras Alpha de la meute et que mes pouvoirs auront grandi, dans trois mois, on pourra en être sûrs.
Ses mots ne firent qu’alourdir ma confusion.
Comment Rosaline pouvait-elle avoir des sentiments pour ce gamin, Ryan ? Était-elle aveugle ?
Comme je ne parvenais pas à dormir, je me levai, allumai une cigarette et fixai la lune sans fermer l’œil jusqu’au matin.
Du point de vue de Rosaline :
Les jours suivants se déroulèrent sans incident.
La routine — travail, sommeil, repas — me fit regretter le passé. Qu’il s’agissait de parcourir le monde ou de me prélasser au manoir de la Meute de l’Ombre, les deux options me semblaient bien plus libres que cette vie figée ici.
Bientôt arriva l’anniversaire du Groupe Eclipse. Le soir venu, les Holbrook m’entraînèrent pour une séance de maquillage et de coiffure, puis je dus enfiler une robe de soirée pour assister à l’événement aux côtés de Caden.
La réception était somptueuse, et de nombreuses figures influentes du monde des affaires de Rivemon étaient présentes.
En tant que PDG du Groupe Eclipse, Caden passait son temps à saluer les invités, me laissant plantée là, à ses côtés. Morte d’ennui, je trouvai une excuse pour aller aux toilettes, histoire de m’éclipser un moment.
Je venais de retoucher mon maquillage et m’apprêtais à sortir lorsque j’entendis une voix derrière moi.
— Vous êtes Rosaline Sinclair ?
Je me retournai. Elle semblait avoir mon âge, vêtue d’une robe haute couture Dior. À en juger par son allure, elle appartenait sans doute à une meute influente.
— Puis-je vous aider ? demandai-je.
— Je suis Wendy Crawford, dit-elle en s’approchant.
J’avais entendu son nom dans toutes les rumeurs qui circulaient depuis mon arrivée chez les Eclipse.
La princesse des Crawford, amie d’enfance de Caden, et la seule femme à l’avoir toujours accompagné.
Tout le monde pensait qu’ils formaient le couple parfait et qu’ils finiraient par se marier.
Certains disaient même que Wendy deviendrait la future Luna de la Meute Eclipse.
Mais mon apparition avait bouleversé leurs plans.
— Que me voulez-vous ? demandai-je d’un ton égal.
Wendy sortit une carte de son sac et, sans sourciller, déclara :
— Voilà dix millions. Je veux que vous annoncez ce soir que vous rompez vos fiançailles avec Caden.
Je ne pus m’empêcher de rire devant son culot.
Depuis que j’étais à Rivemon, les gens semblaient penser qu’il suffisait de me jeter de l’argent au visage pour obtenir ce qu’ils voulaient.
Mais comparé aux cinq mille d’Eleanor, les dix millions de Wendy étaient clairement plus généreux.
Wendy fronça les sourcils :
— Ces dix millions vous garantiront une vie confortable. Vous devez savoir que Caden ne vous choisira jamais comme Luna. Il reste avec vous uniquement à cause de la mauvaise santé de M. Richard. Dès qu’il ira mieux, Caden se débarrassera de vous. Vous ne tirerez rien de tout cela.
— Ha ! ricanais-je.
— Dix millions pour le reste de ma vie ? Mademoiselle Crawford, ce n’est même pas assez pour couvrir mon allocation mensuelle.
Sans attendre sa réaction stupéfaite, je fis volte-face et m’éloignai, mes talons résonnant sur le sol avec assurance.
Derrière moi, j’entendis Wendy crier :
— Tu es complètement folle, Rosaline ! Comment une petite Oméga de rien du tout comme toi pourrait-elle avoir une allocation mensuelle de dix millions ?