Chapitre 1 Victor Dumont
Victor Dumont se tenait debout devant la grande baie vitrée de son bureau, observant la vue panoramique de la ville en contrebas. Les gratte-ciels se dressaient fièrement, symboles de pouvoir et de succès, et quelque part là-bas, parmi ces géants de verre et d'acier, se trouvait l'empire qu'il avait bâti à la force de sa détermination et de son intelligence.
À quarante ans, Victor Dumont était un homme à la présence imposante. Sa silhouette athlétique et son costume sur mesure témoignaient de son goût pour la perfection. Ses cheveux noirs, légèrement grisonnants aux tempes, encadraient un visage aux traits marqués, rehaussé par des yeux d'un bleu perçant, capables de transpercer les âmes. Lorsqu'il parlait, sa voix grave et assurée captivait l'attention de ceux qui l'entendaient, laissant peu de place à l'opposition.
Victor était né dans une famille modeste, mais sa détermination à changer son destin avait été inébranlable. Dès son plus jeune âge, il avait montré des talents exceptionnels en affaires, transformant des opportunités en or. Diplômé de Harvard, il avait rapidement gravi les échelons dans le monde de la finance, jusqu'à fonder son propre empire, Dumont Enterprises. Sa société, spécialisée dans les technologies innovantes et les investissements stratégiques, était devenue une des plus influentes au monde.
Malgré son succès, Victor n'était pas sans faiblesses. Sa quête incessante de pouvoir et de richesse l'avait éloigné de ceux qui l'aimaient, notamment de sa femme, Sophie. Sophie, avec ses cheveux blonds et ses yeux verts pétillants, avait été séduite par le charisme et la passion de Victor. Leur mariage, célébré en grande pompe dix ans auparavant, avait été décrit par les médias comme l'union parfaite du pouvoir et de la beauté.
Cependant, derrière les apparences, leur relation s'était lentement détériorée. Victor passait de longues heures au bureau, sacrifiant sa vie personnelle sur l'autel du succès. Sophie, initialement compréhensive, avait commencé à ressentir l'absence de son mari et à se sentir délaissée.
Ce soir-là, Victor rentra tard, comme à son habitude. La maison, une somptueuse demeure en périphérie de la ville, était plongée dans le silence. Il entra dans le grand hall d'entrée, où un lustre en cristal scintillait faiblement. Les murs étaient ornés de tableaux d'art moderne, et le sol en marbre blanc renvoyait l'écho de ses pas.
Sophie l'attendait dans le salon, assise sur le canapé en cuir blanc. Elle feuilletait distraitement un magazine de mode, mais leva les yeux lorsque Victor entra.
« Bonsoir, Sophie », dit-il d'un ton neutre, déposant sa mallette sur la table basse.
« Bonsoir, Victor », répondit-elle, un soupçon de tristesse dans la voix. « Encore une longue journée, je suppose ? »
Victor soupira et s'installa dans le fauteuil en face d'elle. « Oui, les réunions se sont éternisées. J'ai eu des discussions importantes avec de potentiels investisseurs. »
Sophie hocha la tête, mais son regard exprimait plus que des mots ne pouvaient le faire. « On dirait que c'est toujours la même histoire, Victor. Nous ne passons plus de temps ensemble. »
Victor se passa une main dans les cheveux, visiblement agacé. « Sophie, tu sais à quel point mon travail est important. Tout ce que je fais, c'est pour nous, pour notre avenir. »
« Pour notre avenir ? » répliqua Sophie, la voix tremblante. « Ou pour ton ambition dévorante ? Parfois, j'ai l'impression que tu te caches derrière ton travail pour éviter de faire face à nos problèmes. »
Victor se redressa, le visage durci. « Ce n'est pas juste, Sophie. Tu sais très bien que je fais de mon mieux. »
« Faire de ton mieux ? » s'exclama-t-elle en se levant brusquement. « Faire de ton mieux, c'est être absent la plupart du temps, ne jamais être là pour les moments importants ? »
Victor resta silencieux, cherchant ses mots. « Sophie, je... »
Mais elle ne lui laissa pas le temps de finir. « Et cette fois-ci, quelle était l'excuse ? Une réunion de plus ? Un dîner d'affaires ? Ou peut-être Isabella ? »
Le nom d'Isabella résonna dans l'air comme une gifle. Isabella, la séduisante et mystérieuse conseillère en communication que Victor avait embauchée il y a quelques mois. Une femme qui avait rapidement gagné sa confiance, et peut-être plus. Victor savait que les rumeurs allaient bon train, mais il avait toujours assuré à Sophie qu'il n'y avait rien entre eux.
« Tu n'as aucune preuve de ce que tu avances », répondit-il, la voix froide.
Sophie le regarda droit dans les yeux. « Je n'ai peut-être pas de preuves tangibles, mais mon instinct me dit que quelque chose ne va pas. Et tu as changé, Victor. Tu n'es plus le même homme que j'ai épousé. »
Un silence pesant s'installa entre eux. Victor savait que Sophie avait raison sur bien des points, mais il était incapable de le reconnaître ouvertement. Son travail, son ambition, tout cela avait pris le pas sur sa vie personnelle, et maintenant, il en payait le prix.
Sophie tourna les talons et quitta la pièce sans un mot de plus, laissant Victor seul avec ses pensées. Il se leva et se dirigea vers la bibliothèque adjacente, un refuge où il pouvait trouver un semblant de paix. Les murs étaient recouverts d'étagères remplies de livres anciens et de volumes rares, un sanctuaire pour son esprit tourmenté.
Il prit un verre de whisky et s'assit dans le fauteuil en cuir près de la cheminée. Les flammes dansaient, projetant des ombres sur les murs. Victor se perdit dans ses pensées, revisitant les moments heureux de son mariage, les promesses qu'il avait faites à Sophie, et les rêves qu'ils avaient partagés. Comment en étaient-ils arrivés là ?
Le téléphone de Victor vibra, le sortant de sa rêverie. Un message d'Isabella s'afficha à l'écran : « Bonsoir, Victor. J'espère que votre journée s'est bien passée. N'oubliez pas notre rendez-vous demain. Bonne nuit. »
Il laissa échapper un soupir. Isabella était devenue une partie intégrante de sa vie professionnelle, mais à quel prix ? Il savait qu'il devait prendre une décision, et vite. Mais ce soir-là, dans la solitude de sa bibliothèque, il ne pouvait que contempler l'ampleur de ce qu'il risquait de perdre.
Le lendemain matin, Victor se réveilla tôt, les pensées encore embrouillées par les événements de la veille. Sophie était déjà debout, préparant le petit-déjeuner dans la cuisine. L'odeur du café fraîchement moulu remplissait l'air, une routine quotidienne qui semblait étrangement apaisante malgré les tensions.
« Bonjour », dit Victor en entrant dans la cuisine.
Sophie leva les yeux de son journal. « Bonjour », répondit-elle, son ton distant mais poli.
« Je voulais te parler de ce qui s'est passé hier soir », commença-t-il, cherchant à briser la glace.
Sophie haussa les épaules. « Ce n'est pas la peine, Victor. Je pense que tout a déjà été dit. »
« Non, ce n'est pas vrai. » Il s'approcha d'elle, essayant de capter son regard. « Je sais que j'ai été absent, et je comprends que tu sois en colère. Mais je veux que tu saches que tu comptes toujours pour moi. »
Elle le regarda, les yeux brillants de larmes retenues. « Compter pour toi ? Comment pourrais-je y croire, Victor ? Chaque jour, tu me prouves le contraire. »
Victor se sentit désemparé. « Je vais essayer de changer, je te le promets. Donne-moi une chance. »
Sophie resta silencieuse pendant un long moment, puis hocha lentement la tête. « Très bien, Victor. Mais sache que ce n'est pas seulement une question de paroles. Je veux voir des actions. »
Il acquiesça, sachant que les mots ne suffiraient plus. « Je ferai de mon mieux, Sophie. Je te le promets. »
Le reste de la journée se déroula sous une étrange atmosphère de trêve fragile. Victor partit au bureau, déterminé à trouver un moyen de rétablir l'équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Il savait que la route serait longue et semée d'embûches, mais il était prêt à tout pour sauver son mariage.
Dans son bureau, il fit une pause et observa la ville à travers la baie vitrée. Il réfléchit à ce que Sophie avait dit la veille. Les sacrifices qu'il avait faits pour son empire valaient-ils vraiment la peine s'ils détruisaient tout ce qu'il aimait ? Il réalisa que pour la première fois depuis longtemps, il devait prioriser sa famille sur son travail.
En fin de journée, il prit une décision importante. Il convoqua Isabella dans son bureau. Lorsqu'elle entra, habillée élégamment comme toujours, elle lui sourit chaleureusement. « Bonsoir, Victor. Vous vouliez
me voir ? »
« Oui, Isabella. Asseyez-vous, s'il vous plaît. » Victor choisit soigneusement ses mots. « J'ai beaucoup réfléchi dernièrement, et je pense qu'il est temps de faire quelques changements dans notre collaboration. »
Isabella sembla surprise, mais garda son sourire. « Oh, quels genres de changements ? »
« Je vais prendre un peu de recul par rapport au travail, pour me concentrer sur ma famille. Cela signifie que je vais devoir réduire nos interactions professionnelles. »
Le sourire d'Isabella vacilla légèrement. « Je comprends, Victor. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à me le faire savoir. »
« Merci, Isabella. Votre soutien a été précieux, mais il est temps pour moi de réévaluer mes priorités. »
Lorsqu'elle quitta le bureau, Victor se sentit libéré d'un poids énorme. Il savait que cela ne résoudrait pas tous ses problèmes du jour au lendemain, mais c'était un pas dans la bonne direction.
Le soir, lorsqu'il rentra à la maison, Sophie l'accueillit avec une certaine réserve. Il s'approcha d'elle et lui prit doucement la main. « J'ai commencé à prendre des mesures pour changer, Sophie. J'espère que tu pourras le voir. »
Elle le regarda, un mélange d'espoir et de scepticisme dans les yeux. « J'espère aussi, Victor. J'espère vraiment. »
Le chemin vers la réconciliation serait long, mais Victor était prêt à le parcourir. Pour Sophie, pour leur mariage, et pour lui-même. Car au-delà de l'homme d'affaires impitoyable, il y avait encore l'homme qui aimait sa femme et désirait ardemment retrouver l'harmonie qu'ils avaient perdue.