Chapitre 5 : Une famille
Les autres frères Crawford plissèrent les yeux en entendant ce que venait de dire d'Anthony.
Gilbert relâcha ses poignets et fit craquer ses articulations. Edward, un ingénieur en architecture au tempérament plutôt fougueux et qui avait la peau bronzée, ricanait et saisit une barre d'acier qui semblait sortir de nulle part.
- Nous sommes des citoyens qui respectent la loi. Comment pouvons-nous agresser quelqu'un en public comme ça ? dit doucement Bryson, qui était le Capitaine au bon caractère. Il interrompit une infirmière qui était à proximité et lui demanda :
- Bonjour, avez-vous un sac en toile de jute dans la réserve ?
L'infirmière bégaya : Oui. Oui, nous avons des sacs en plastique et des boîtes en carton dans la pharmacie. Elle leur suggéra les boîtes en carton, car elle pensait qu'ils voulaient ranger quelque chose.
Bryson sourit et lui dit : Merci. Un sac en toile de jute suffira.
Les frères Crawfords pensèrent, un sac serait utile pour frapper quelqu'un.
Pendant ce temps, Stephen frissonnait de froid en attendant devant les chambres VIP. Il pensait au fond de lui : j'ai veillé toute la nuit et il fait presque jour. Où diable se trouvent les Crawfords ?
Richard était parti plus tôt, car il ne supportait plus le froid. Il avait rappelé à Stephen de rester en place et de montrer leur sincérité avant de partir.
Les nuits de printemps étaient bien plus froides que les nuits d'hiver. Stephen sentait le froid glacial remplir ses poumons à chaque fois qu’il inspirait de l'air. Cette attente prolongée l'avait aussi affamé et épuisé. La seule chose qu'il voulait, c'était rentrer chez lui, prendre une douche chaude et relaxante et dormir le reste de la journée.
Cela devint encore plus insupportable lorsqu'il pensa à l'environnement confortable dans lequel il aurait pu se trouver. Après une heure supplémentaire, Stephen décida qu'il était inutile d'attendre plus longtemps.
Il était au téléphone alors qu’il se dirigeait vers le parking souterrain.
- N'oublie pas de m'appeler une fois que les Crawfords partiront. Avant qu'il ne puisse continuer, une obscurité totale l'entoura. Il était recouvert d’un sac en toile de jute !
- Qu'est-ce que c'est que ça ? Qui êtes-vous ? Stephen cria de douleur alors que ses agresseurs lui assénaient des coups violents.
Les coupables n'étaient autres que les huit frères Crawfords. Ils n'avaient pas l'habitude de se salir les mains comme ça. Néanmoins, ils n’ont pu s’empêcher d'agir de la sorte en pensant à la situation malheureuse dans laquelle se trouvait Lilly. Leur ressentiment grandissait au rappel des blessures de Lilly et comment elle avait demandé avec prudence si elle aurait de la nourriture quand elle rentrerait chez elle et s'ils allaient lui faire du mal.
- Arrêtez ! supplia Stephen. Il était impuissant et à la merci de ses ravisseurs.
- Vous savez qui je suis ? Je suis le Président de la Société Ador Hatcher. Comment osez-vous m'attaquer de cette façon ? Je jure que je vais...
Anthony ricana et desserra sa cravate. Il fit signe à ses frères d'arrêter de porter des coups. Tout le monde obéit à ses ordres et Edward s'accrocha à la barre d'acier comme s'il se préparait à reprendre l'attaque.
Stephen soupira de soulagement lorsque ses adversaires semblèrent reculer. Toutefois, à sa grande surprise, la barre d'acier atterrit violemment sur sa jambe.
- Ahh ! Ses cris de douleur retentirent dans tout le parking.
Bien que Stephen survécût à l'attaque, il était tellement blessé qu'il dut être transporté à l'hôpital. Ce qui aggravait les choses, c'est qu'il ne savait pas qui était responsable et n'avait aucun moyen de le découvrir. Ses adversaires n'avaient laissé aucun indice révélant leur identité.
- Tu te sens mieux, Stephen ? sanglota Debbie qui se trouvait près de son lit. S'il était réveillé, il remarquerait le manque de sincérité qu’elle avait dans les yeux. Elle paraissait être une épouse inquiète, mais elle était secrètement bouleversée par la nouvelle identité de Lilly, la petite-fille de la famille Crawford.
Debbie fut consternée lorsque Paula lui annonça la nouvelle hier. Elle bouillonnait à l'intérieur, comment cette bâtarde est-elle devenue la seule fille bien-aimée de la famille Crawford ?
En réalité, Lilly n'était pas du tout responsable de la fausse couche. Debbie avait provoqué elle-même sa chute pour se débarrasser du bébé. Elle savait que les Hatchers rencontraient des difficultés financières et Stephen était au bord de la faillite après avoir contracté de nombreuses dettes. Debbie pensait qu'une jeune et belle femme comme elle avait de bonnes chances de trouver un nouveau mari, plus riche et plus puissant que Stephen. Par contre, si elle avait un enfant, il lui serait bien plus difficile de se remarier. Par conséquent, elle devait trouver un moyen de faire disparaître ce bébé pour de bon, tout en évitant d’être la responsable.
Debbie savait que Lilly était une enfant solitaire, que personne ne l’aimait. Depuis sa naissance, les Hatchers n’avaient jamais été bienveillants avec elle. Stephen avait même admis, un jour d’ivresse, qu'il détestait sa présence. C’est ainsi que Debbie pensait qu'il allait sûrement rejeter la faute de la perte de cet enfant sur Lilly. Elle ne savait pas que la fille faisait partie de la famille Crawford.
Debbie frissonna à l'idée d'offenser l'une des quatre plus grandes familles. Que dois-je faire ? Je vais avoir des problèmes s'ils découvrent la vérité. Je dois trouver un moyen de faire taire Lilly pour toujours...
Dans la chambre VIP, Lilly ouvrit à nouveau les yeux. Cette fois, la pièce était complètement vide et il y avait un silence de mort. Elle se sentait mal à l'aise et pas en sécurité, pensant que tout le monde était parti.
Un moment plus tard, on frappa doucement à la porte. Son visage s'illumina en voyant Gilbert entrer dans la pièce. Hugh leur avait donné l'ordre d'attendre à l'extérieur de la chambre afin d'éviter d'encombrer la pièce et d'améliorer la ventilation.
- Comment te sens-tu, Lilly ? Je peux te préparer un petit-déjeuner ? dit chaleureusement Gilbert. Lorsque Lilly hocha la tête, il donna l'ordre de servir le petit-déjeuner.
Le reste des Crawfords fut réveillé par le bruit et entra dans la pièce pour vérifier dans quel état se trouvait Lilly.
- Qu'est-ce que tu aimes manger, Lilly ? Il y a des sandwichs, des donuts, du porridge... demanda avec tendresse Hugh.
Edward se fraya un chemin et s'exclama : Que penses-tu de spaghettis avec des boulettes de viande ? C'est délicieux !
Hugh réprimanda Edward en lui donnant un coup de canne sur la jambe :
- Lilly vient de se réveiller. Comment peut-elle manger des spaghettis aux boulettes de viande ? Il prit une assiette et suggéra, que dirais-tu d’un sandwich ? Ils sont savoureux.
Bryson sourit en prenant un bol : Ou du porridge, c’est bien aussi.
Lilly pinça ses lèvres et des larmes commencèrent à briller dans ses yeux. Elle réalisa qu'elle avait peut-être enfin une vraie famille. Elle renifla et dit avec prudence :
- J'aimerais un sandwich, papy.
- Super ! Viens manger un sandwich ! Hugh hocha la tête avec ferveur, ses yeux rougis par les larmes. Il fixait Lilly qui lui rappelait Jean quand elle était petite. Toutefois, contrairement à Lilly, Jean était volontaire et hyperactive quand elle était petite. Elle menait une vie insouciante et se disputait souvent avec ses frères. Cependant, la petite fille devant lui était mélancolique et prudente dans ses paroles. Elle avait dû traverser beaucoup d'épreuves pour être aussi mature à l'âge de trois ans et demi.
Les Crawfords quittèrent la pièce que lorsque Lilly eut fini son repas et se soit couchée. Néanmoins, dès que Lilly ferma les yeux, une voix résonna à ses oreilles : Tulipe ! Tulipe !
Elle ouvrit les yeux et constata que la pièce était vide de toute présence. Lilly tenta de se rendormir, croyant fermement qu'elle devait être au milieu d'un rêve. Alors qu'elle fermait les yeux, la voix retentit de nouveau.
- Lilly, Lilly, Tulipe !
Serrant nerveusement les draps, Lilly observait avec anxiété la pièce, essayant désespérément de trouver d’où venait cette voix.