Chapitre 6 Le combat est une affaire d'homme
Annie avait ouvert les yeux, allongée sur le lit.
M. Hugo se raidit. Clémentine n'avait-elle pas dit qu'elle avait été droguée ? N'était-ce pas censé durer deux heures ? Comment pouvait-elle être réveillée maintenant ?
– Ma jolie petite fille, comment... comment es-tu réveillée ?
Les yeux clairs et vifs d’Annie dissimulaient un sourire sournois et malicieux.
– Comment puis-je regarder l'émission si je dors ?
– Tu…
La main d’Annie se tendit. M. Hugo sentit une étrange odeur sucrée, puis son corps s'affaiblit avant qu'il ne s'affaisse sur le tapis.
Maintenant que les membres de M. Hugo étaient attachés, il ne pouvait plus bouger un seul muscle. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était regarder avec effroi Annie qui souriait.
– Ma... ma jolie, à quoi penses-tu ? Pourquoi ne pas me laisser partir ? Nous pourrions nous amuser ensemble.
Annie haussa un sourcil en forme ; un air inoffensif et naïf apparut sur son visage.
– Monsieur Hugo, regarde. Qu'est-ce que c'est ?
M. Hugo regarda de plus près ; deux os avec de la viande encore dessus étaient apparus dans la main d’Annie.
– Pourquoi as-tu des os avec toi ?
– Mon Dieu, Monsieur Hugo. Clémentine ne t’a-t-elle pas dit que la famille Dupont possédait un chien-loup ? Il est plutôt féroce, et il adore les os.
M. Hugo avait toujours été un débauché, et il salivait devant Annie depuis un bon moment déjà. Elle n'était qu'une paysanne qui avait épousé un homme à moitié mort, alors comment pouvait-il ne pas avoir envie de jouer avec elle ?
Mais aujourd'hui, le cuir chevelu de M. Hugo se hérissait lorsqu'il la regardait. Il ne pouvait s'empêcher de trembler.
– Qu'est-ce que tu vas faire ?
La petite main d’Annie se déplaça vers le bas, puis elle enfonça les deux os dans le pantalon de M. Hugo.
– Monsieur Hugo, le jeu a commencé. Tu dois faire attention lorsque ce chien-loup arrivera plus tard. Assure-toi qu'il ne finisse pas par te mordre à un endroit indésirable, ou qu'il ne t’arrache pas ta virilité.
– Non ! Jolie... Ma petite, j'avais tort. S'il te plaît, laisse-moi partir... C'est trop vicieux de ta part. Ce n'est pas une blague, je peux finir par mourir… M. Hugo était tellement terrifié qu'il transpirait à grosses gouttes. S'il l'avait pu, il se serait déjà agenouillé devant Annie.
Annie se dirigea alors vers la porte et l'ouvrit. Ayant détecté l'odeur des os, le chien-loup entra immédiatement en bondissant.
– Ah !
M. Hugo hurla encore et encore.
....
Clémentine attendait en bas de bonnes nouvelles de M. Hugo. Soudain, la porte de la chambre à l'étage s'ouvrit à toute volée. M. Hugo descendit en courant, son pantalon à la main, l'air pathétique et ébouriffé.
Clémentine était surprise.
– M. Hugo, que t’est-il arrivé ?
M. Hugo sanglotait de peur et de terreur. Il abattit brutalement l'un des os sur la tête de Clémentine.
– Clémentine, tout est de ta faute. Tu n'entendras pas la fin de l'histoire ! mordit-il.
Puis il s'enfuit, furieux et terrorisé.
Que s’est-il passé ?
Clémentine monta rapidement à l'étage et entra dans la chambre.
Annie était assise sur une chaise, sirotant tranquillement son thé. Elle leva la tête et ses yeux brillants se posèrent sur le visage choqué de Clémentine.
– Oh, tu es enfin venue, ma tante ?
Annie l'attendait depuis tout ce temps.
Clémentine fut déconcertée. Elle savait que ses plans étaient tombés à l'eau, mais c'était impossible ; Annie avait bel et bien mangé le bol de soupe au nid d'oiseau devant elle.
Où les choses avaient-elles mal tourné ?
– Annie, tu savais que la soupe avait été empoisonnée. Tu as juste joué le jeu, n'est-ce pas ? demanda Clémentine.
Les lèvres d’Annie se retroussèrent en un sourire froid.
– Je voulais juste voir si ton plan était bien ficelé. Comme prévu, tu ne m'as pas déçue.
Clémentine grogna. Elle ne se souciait plus de faire semblant et ses yeux brillaient d'une lueur venimeuse.
– M. Hugo vient de partir en furie. Je vais te capturer et t’envoyer directement dans son lit pour m'excuser auprès de lui ! Gardes !
– Oui, Mme Dupont.
Une demi-douzaine de gardes vêtus de noir se précipitèrent à l'intérieur, tous costauds et robustes dans leur carrure.
– Annie, j'ai réussi à engager ces gardes du corps en leur promettant un bon salaire. Penses-tu avoir une chance contre eux ?
Les yeux clairs et anguleux d’Annie devinrent instantanément froids. Elle était déjà là de toute façon, alors pourquoi aurait-elle peur ?
– Allez-y ! Attrapez-la !
Sur l'ordre de Clémentine, un des gardes se précipita vers Annie, une main tendue pour l'attraper.
Annie déplaça discrètement sa main vers sa taille.
Mais une grande main aux jointures proéminentes avait déjà frappé pour attraper le bras du garde du corps. Avec un peu de force, la main avait plié le bras du garde.
Ce fut le déclic ! Le bras du garde était à présent cassé.
Le garde fut alors projeté en arrière par une force puissante. Il s'écrasa contre ses compagnons, et tout le monde s'écroula sur le sol.
Annie leva rapidement les yeux. Un homme à la silhouette grande et majestueuse entra dans son champ de vision – Alexandre était arrivé.
– Que fais-tu là ? Annie était déconcertée.
Alexandre ne montrait aucune émotion, mais sa voix était toujours basse et magnétique.
– On dirait que j'ai raté un spectacle intéressant.
Clémentine n'avait pas imaginé que quelqu'un ferait irruption dans la résidence des Dupont. Elle scruta l'homme aux côtés d’Annie, le jaugeant. Vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon noir, l'homme était grand et ciselé, d'une beauté hors du commun. Ses mouvements avaient également été rapides et brutaux. L'air désintéressé et la froideur qu'il dégageait ne pouvaient être dissimulés.
En tant que dame de la Famille Dupont, Clémentine connaissait plutôt bien la haute société de la Ville A, mais elle n'avait jamais vu cet homme auparavant.
Delphine avait mentionné qu’Annie avait rencontré un petit jouet plus tôt. Serait-ce lui ?
– Annie, est-ce que c'est le petit jouet que tu vois en cachette ?
Un petit jouet ?
Les sourcils d’Alexandre se plissèrent au son de ce mot, comme s'il était mécontent. Il jeta un coup d'œil à Annie.
– Tu m'as traité de petit jouet devant elle ?
Annie se redressa et se tordit les mains.
– Non, je n'ai rien dit.
Cependant, Clémentine ne pouvait plus attendre.
– Pourquoi restez-vous tous debout ? Ne pouvez-vous même pas vous occuper d'un petit jouet à côté ? Dépêchez-vous de l'attraper.
Certains gardes avaient voulu foncer vers lui, mais Alexandre cligna doucement des yeux et les balaya d'un regard condescendant.
– Vous ? Vous vous opposez à moi ?
Les gardes sentirent leur sang se glacer, et ils battirent précipitamment en retraite.
Alexandre regarda Annie.
– Tu viens, on va dîner ?
– Oh, d'accord.
Annie suivit précipitamment Alexandre et partit.
Le corps de Clémentine tremblait de colère. Jamais de sa vie elle n'avait vu un petit jouet aussi odieux et audacieux. Il dépendait d'une femme pour ses repas et sa subsistance, et pourtant, ce comportement et cette aura donnaient l'impression qu'il se prenait pour un gros bonnet. Il allait et venait chez elle à sa guise.
C'était vraiment un incident stupéfiant.
Tous les gardes qu'elle avait engagés s'étaient échappés. Clémentine ne pouvait que les regarder s'enfuir, impuissante.
Avant de partir, Annie chuchota à l'oreille de Clémentine.
– Je me souviendrai de ce jour.
...
Annie regarda l'homme à côté d'elle alors qu'ils étaient assis dans sa voiture de luxe. Son expression était concentrée, ses mouvements élégants et posés. Elle ne voyait aucun signe indiquant qu'il venait de se battre.
C'est alors qu’Alexandre se tourna vers elle.
– Qu'aurais-tu fait si je n'étais pas venu ?
Annie sourit.
– Me battre, bien sûr. Je sais aussi me battre. J’aurais pu m'occuper d'eux même si tu n’avais pas fait irruption.
Alexandre se souvint de son passé. Elle avait été malmenée et ostracisée par tous les enfants du village lorsqu'elle avait été abandonnée à l'âge de neuf ans. Ils l'avaient tous traitée d'orpheline égarée.
Elle avait probablement appris à se battre grâce à cela. De plus, elle avait aussi des compétences médicales. Puisqu'elle avait été capable de se débarrasser calmement de l'homme balafré dans le train, ces gardes n'auraient pas été un problème pour elle.
– Les filles ne devraient pas se battre. Le combat est une affaire d'hommes.
– Je n'aime pas compter sur les autres. Mais, M. Mulon, je te remercie pour tout à l'heure.
À la vue de ses yeux sincèrement reconnaissants, Alexandre haussa un sourcil.
– Tu me remercies comme ça ?
Annie se figea.
– Alors, comment devrais-je te remercier ?
Le regard d’Alexandre passa de ses yeux chatoyants aux lèvres rouges cachées derrière son voile.
– Ne connais-tu pas la façon dont les femmes doivent remercier les hommes ?