Chapitre 10 Marques de morsure sur son épaule
Elle n'aurait pas dû avoir d'attentes envers son père après qu'il l'ait envoyée à la campagne à l'âge de neuf ans. Ce coup de téléphone ne sortait pas de l'ordinaire.
André était toujours le même homme qu'elle connaissait - un homme obsédé par la médecine, qui se passionnait pour le prestige et les apparences ; quelqu'un qui voulait développer Dupont Medical.
Et actuellement, la fille dont il était le plus fier était Ingrid, alors qu'elle n'était qu'une fille récupérée dans la cambrousse juste pour laver la malchance d'une autre famille dans un acte superstitieux, et pour coucher avec des gens de pouvoir.
– Compris, papa. J'irai demain.
Son obéissance fit s'adoucir le ton d’André.
– Annie, tu t'es mariée pour conjurer le mauvais sort de cette famille. Ton mari va bientôt mourir. Je chercherai un autre homme bien pour toi une fois que la situation avec M. Hugo aura été résolue.
– Alors, permets-moi de te remercier d'avance, papa. Annie mit fin à l'appel.
Après avoir éteint son téléphone, elle ferma les yeux dans les bras d’Alexandre. En vérité, elle était bouleversée : elle était orpheline.
Elle voulait être comme n'importe quel enfant normal aimé par ses parents, mais cette vie simple et paisible n'était pratiquement qu'une chimère pour elle.
Elle n'avait pas de maison.
Elle était une enfant errante, sans père ni mère pour l'aimer.
C’était peut-être à cause du froid, mais Annie s’était retrouvée blottie dans les bras d’Alexandre. Ses bras étaient solides et chauds, capables d'abriter n'importe quelle femme.
Sa tête reposait sur son cœur.
Boom, boom, boom. Les battements énergiques de son cœur lui donnaient l'impression d'être en sécurité.
Annie avait d'abord pensé qu'elle ne pourrait pas dormir, mais elle avait fini par dormir jusqu'à l'aube dans les bras de cet homme. Elle avait même passé une bonne nuit.
...
Alexandre ouvrit lentement les yeux. C'était le lendemain matin. La lumière du soleil s'infiltrait à travers les rideaux de la fenêtre, dispersant d'innombrables taches jaunes dans l'air.
Ses yeux portaient encore la trace du sommeil et un soupçon de confusion.
Des années, cela faisait des années qu'il n'avait pas dormi jusqu'au matin et qu'il ne s'était pas réveillé tout seul avec la belle lumière du matin.
Alexandre ferma les yeux et continua à étreindre la jeune fille qui était censée être pressée contre sa poitrine.
Il savait qu'elle avait dormi dans ses bras toute la nuit, car ses bras portaient encore des traces de sa chaleur et de son parfum.
Cependant, il n'y avait personne à étreindre. Il n'y avait qu'un espace vide ; Annie avait déjà disparu.
La somnolence d’Alexandre se dissipa immédiatement et il se leva en détachant les couvertures de soie.
À ce moment-là, la porte du bureau s’ouvrit. M. Moreau entra, l'air ravi.
– Maître, tu es réveillé ? La maîtresse m'a demandé de ne pas te déranger quand elle est partie, en disant que je devais te laisser dormir un peu plus longtemps. Cela fait tant d'années que tu n’as pas dormi jusqu’au matin. Même M. Olivier Renard n'y est pas parvenu, mais la maîtresse a réussi. Quelle magie utilise-t-elle ?
M. Moreau pensait qu'il s'agissait d'une chose inconcevable. Il connaissait très bien l'état de son maître. Il était mort d'inquiétude lorsque la maîtresse était entrée dans la pièce, mais le maître avait tenu la jeune femme dans ses bras et avait dormi toute la nuit.
Alexandre jeta un coup d'œil derrière la porte.
– Où est la maîtresse ?
– Elle a dit qu'elle sortait pour s'occuper de certaines affaires. Elle reviendra plus tard.
– A-t-elle dit où elle allait ?
– Non, non.
– Ok.
Alexandre retourna dans sa chambre et entra dans la salle de bain pour prendre une douche. En enlevant sa chemise blanche, il aperçut dans le miroir les profondes mais minuscules marques de morsure sur son épaule.
C'était elle qui avait fait ces marques.
Rien qu'en voyant ces marques, on pouvait imaginer la force qu'elle avait mise dans cette morsure. Maintenant, son corps portait une marque d’Annie.
Ce jour-là, Alexandre n’était pas allé au bureau. Il se contenta de travailler depuis la maison. Le soir venu, il jeta un coup d'œil à sa montre. Il était déjà huit heures, et Annie n'était toujours pas rentrée.
Il sortit son téléphone. Elle ne lui avait pas envoyé de texto et ne l'avait pas appelé non plus.
Alexandre ressentit une sensation sourde dans la poitrine. Il n'était pas très content, mais soudain, il entendit le tintement joyeux d'une sonnerie. Il avait reçu un appel.
Alexandre appuya sur le bouton pour prendre l'appel.
– Allô ?
La voix de Franck Leroy jaillit immédiatement de son téléphone.
– Hé, mon frère, ça fait un moment que tu n'as pas traîné avec nous. Ta grand-mère t'a récemment donné une femme. Est-ce que tu vis et respires déjà la vie d'un homme au foyer ?
Un homme au foyer... Attends, quoi ?
Le sourcil d’Alexandre se leva et il dit avec irritation :
– Si tu continues tes bêtises, je raccroche.
– Allez, ne fais pas ça, mon frère. Viens te détendre avec nous. Mark et moi t'attendrons au bar 1949.
...
Alexandre était assis sur le siège principal d'une cabine isolée du Bar 1949, ses doigts allongés tenant une cigarette entre eux.
La fumée embrumait son beau visage, le masquant. On ne pouvait que vaguement distinguer la crispation de son front et la froideur qu'il dégageait.
Franck se servit un verre de vin.
– Hé, mon frère, qu'est-ce qui t'arrive ? Pourquoi fumes-tu dès ton arrivée ? Tu as l'air d'être en colère à cause de quelque chose. Je pense que tu as besoin d'éteindre cette rage en toi.
Alors qu'il parlait, Franck poussa une jolie femme vers lui.
– Frérot, c'est la dernière star du bar. Elle est encore propre. Je l'ai gardée exprès pour toi. Doriane, tu vas devoir compter sur tes compétences si tu veux réussir à lui donner ce verre de vin.
Le Bar 1949 avait toujours été un endroit où les hommes jetaient leur argent par les fenêtres. Les belles femmes n'y manquaient jamais. Les hommes qui fréquentaient cet endroit étaient tous de riches magnats et des nababs, et bien sûr, ce bar était dirigé par la famille Leroy.
Ce jour-là, trois des quatre familles influentes de la ville A étaient réunies ici. Ces trois-là se connaissaient pratiquement depuis qu'ils portaient des couches.
Maintenant qu'elle avait été poussée aux côtés d’Alexandre, le joli petit visage de Doriane rougit soudainement. Alexandre était vêtu d'une simple tenue noire composée d'une chemise noire et d'un pantalon noir. Même si ce maître de la famille Mulon fumait, il dégageait toujours l'aura envoûtante d'un homme mûr qui avait réussi. Avec son beau visage absolument parfait, Doriane aurait été prête à passer du temps avec lui même si elle n'avait pas été payée.
Doriane prit le verre et sourit effrontément.
– Maître Mulon, que dirais-tu d'un verre ?
Alexandre sentit rapidement l'odeur artificielle du parfum de Doriane. Il lui jeta un coup d'œil indifférent.
– Ne t'approche pas de moi.
Le joli petit visage de Doriane se vida immédiatement de ses couleurs.
Franck éloigna rapidement Doriane.
– Mon frère, tu es célibataire depuis toutes ces années. Tu n'as vraiment aucun intérêt pour les femmes, hein. Grand-mère m'a déjà interdit de traîner avec toi parce qu'elle a peur que tu me rendes gay.
C'est alors que Mark Durand intervint.
– Alexandre, j'ai entendu dire que les Dupont t'avaient marié à une fille, Annie.
Au son de son nom, Alexandre leva les yeux pour regarder Mark.
Fabian était un homme fringant qui portait une paire de lunettes à monture dorée. Il but une gorgée du vin rouge contenu dans son verre avant de continuer à observer Alexandre.
– Regarde, qui est-ce ?
Alexandre leva les yeux et aperçut rapidement une silhouette élancée : Annie.
Un homme était assis à côté d'elle, M. Hugo.
– Putain ! cracha Franck en frappant la table avant de se lever.
– Pourquoi Annie est-elle en rencard avec un vieil homme ? Elle te trompe !
Franck attrapa une bouteille avant de s'approcher. Le rejeton de la famille Leroy était également connu comme le tyran de la ville A.
– Frérot, je vais aller leur donner une leçon pour toi !