Chapitre 1 Expulsée
Le sol était humide ; c’était une journée orageuse à Bickon. Le majordome jeta le sac à dos d’Élise avec dédain par la grande porte.
– Mademoiselle Harper, M. Winter ne veut pas vous voir. Je vais prendre la liberté de vous transmettre son message. Vos parents biologiques vivent à la campagne et portent le nom de Harper. La famille Winter a reconnu l’erreur qu’elle avait commise par le passé avec leur fille, maintenant que Mademoiselle Stéphanie a été retrouvée, j’espère que vous comprendrez et ne contacterez plus jamais la famille Winter.
Le majordome sortit une carte bancaire :
– Voici dix mille dollars que M. Winter m’a demandé de vous remettre pour vous dédommager.
– Pas besoin.
Élise n’y prêta aucune attention ; elle ramassa simplement son sac noir. Le majordome regarda la jeune fille avec dégoût. Elle ne voulait même pas de l’argent, on aurait dit qu’elle se suffisait. Cependant, elle ne se demandait même pas pourquoi la famille Winter aurait encore voulu d’elle, une pauvre fille du village qui n’allait jamais être à la hauteur.
– Alors, Mademoiselle Harper, je vous prie de partir ! Le majordome claqua la porte.
D’un air désintéressé, elle sortit de la Résidence Winter juste avec un sac noir, la tête haute. Elle était partie comme elle était venue. En plus de la pluie qui l’avait mouillée, les gens à l’étage se moquaient en la voyant, sans se soucier, disait-il :
– Enfin partie.
– Qui ne le dirait pas, j’avais peur qu’elle ne veuille pas retourner à la campagne et s’accroche à notre famille.
Élise ne répondit pas, mais esquissa un petit sourire. En effet, la famille Winter ne connaissait pas sa valeur. Celle-ci suçait distraitement un bonbon. Ses longs cheveux noirs cascadaient sur ses épaules et son visage, fin et délicat. Malgré son teint pâle, elle ne semblait pas frêle, bien au contraire, elle avait l’air mystérieuse.
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Au même moment, dans une cour à Liverthon, la famille Harper tenait une grande réunion. Grand-père Harper, assis en hauteur, s’appuyait sur son sceptre en forme de dragon ; imposant et sévère.
– Après toutes ces années, toujours aucune nouvelle de votre sœur ?
Il s’adressait à ses six petits-fils. Les six fils de la famille Harper, les plus riches de Liverthon, étaient des leadeurs dans leurs domaines respectifs. Chacune des apparitions publiques de l’un d’entre eux causait des remous dans leur cercle.
Mais aujourd’hui, tous avaient l’air abattus. Ils avaient perdu leur sœur cadette, la septième de la famille, il y avait plusieurs années. À l’époque, elle n’était qu’un nourrisson ; douce et adorable. Cela faisait 18 ans qu’ils la cherchaient sans relâche, mais ils avaient perdu sa trace dans un petit village Montagneux. Impossible de savoir combien de fois elle avait été vendue par des trafiquants.
– Grand-père, nous allons continuer à chercher, nous retrouverons notre petite sœur ! À cet instant, un homme corpulent fit irruption, essoufflé et brandissant des documents.
– Monsieur ! La septième fille ! Nous l’avons retrouvée !
Cet homme qui était d’un tempérament habituellement calme se leva aussitôt, les mains un peu tremblantes.
– Où est-elle ? Envoyez quelqu’un la chercher immédiatement !
Cet homme tendit les documents :
– Elle est à Bickon, nous sommes encore en train de vérifier les détails.
– Préparez la voiture ; nous partons pour Bickon sur-le-champ ! s’écria Grand-père Harper, très impatient.
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Le crépuscule tombait sur Bickon.
Élise, chassée, ne s’était pas rendue à la campagne. Elle avait attendu la fin de la pluie, puis elle retourna chez elle. Un petit immeuble sans prétention. Alors qu’elle se garait, quelqu’un lui fit signe :
– Tiens, Élise est rentrée !
– Oui, je suis de retour, répondit-elle en esquissant un sourire.
La vendeuse de fruits, une dame âgée, lui tendit une pomme :
– Cela fait bien quinze jours qu’on ne t’avait pas vus. Mes vieilles jambes arthrosées n’ont reçu aucun soin.
– Et moi, Élise, ma main tremble tellement quand je joue aux échecs que je n’arrive plus à bouger mes pièces.
Tout le monde savait qu’elle jouissait d’une immense popularité dans la Résidence Amster. Quelques vieux cadres à la retraite aimaient bien la retenir pour discuter et se faire soigner. Ne vous fiez pas à l’apparence modeste du quartier, il cachait en réalité bien des secrets. Par exemple, cet homme qui jouait aux échecs avait été autrefois un Grand Maître National. Quant aux autres, elle ne s’était jamais intéressée à leur passé. Elle vivait ici juste pour se détendre…